Qu'est ce qui me vient de l'autre ?
par Jacques Salomé – psychosociologue et écrivain

Tout d'abord savoir que l'autre, c'est celui qui n'est pas moi, c'est donc tous les autres, qu'ils soient proches ou plus lointains, familiers ou inconnus. Sans oublier non plus que pour l'autre, c'est moi qui suis… l'autre. Dans tout échange, tout partage, il me vient de l'autre différents messages qui vont avoir un impact sur moi, auxquels je vais donner une certaine coloration affective, sociale, messages auxquels je vais donner un sens positif ou négatif et qui vont retentir et déclencher différents ressentis, à l'intérieur de moi.

Des ressentis dans l'ordre du plaisir ou de la satisfaction, qu'il m'appartiendra de reconnaître comme étant chez moi, tels une sensation de bien-être, de joie, de stimulation énergétique positive, d'assurance, de confiance, d'abandon possible…

Viendront aussi s'inscrire des ressentis de l'ordre du déplaisir ou de l'insatisfaction tels un malaise, une gêne, un sentiment d'insécurité, de menace, de culpabilité, de déception, d'inhibition, d'agressivité, un besoin de fuir, de me protéger…

Si je vis dans le premier registre, je vais à mon tour envoyer des signaux qui peuvent stimuler l'autre et le cycle d'une rencontre fondée sur plaisir mutuel partagé s'enclenche et se vit à la satisfaction de chacun. Mais je peux aussi, avec des signaux que j'envoie à l'autre en les croyant positifs, l'inquiéter, le déstabiliser, le saturer (car c'est celui qui reçoit le message qui lui donne un sens) et en retour il peut m'envoyer des signaux-réponses dans un registre nettement négatif !

Si je ce que je ressens (venant de l'autre) correspond au deuxième registre, je peux me positionner, je ne suis pas obligé de me transformer en poubelle qui accepte tout et je peux renvoyer(restituer symboliquement) à l'autre ce qui vient de lui et qui n'est pas bon pour moi. Cela tout au moins sur le plan verbal. Suivant un principe fondamental à toute relation vivante: " Il n'est pas nécessaire de garder toujours son nez sous le tuyau d'échappement de l'autre".

Principe qui peut se traduire encore : « Je peux accepter beaucoup, faire preuve d'écoute et de tolérance, mais il m'appartient de me respecter et de ne pas entretenir des échanges qui peuvent être toxiques pour moi ! »

Parfois aussi, ce que je vis dans le premier registre comme du plaisir, de la satisfaction, peut déclencher chez moi des peurs, des angoisses si je ne suis pas prêt à recevoir du bon ou à oser être heureux. Et ce sera le deuxième registre qui s'imposera en moi comme étant négatif, malgré des signaux positifs venant de l'autre.

D'autres fois encore, il peut m'arriver de vivre les deux registres en même temps: plaisir et malaise, je serais alors tiraillé, ambivalent ou coincé dans des contradictions et des déchirements qui m'empêcheront de me positionner clairement.

Je ne peux qu'inviter chacun à maintenir une ouverture et une vigilance à tout ce qui peut venir de l'autre (et à ce qui vient de nous vers l'autre) pour entendre au plus vite ce qu'il déclenche chez nous (ce que nous déclenchons chez lui).